Par Elodie Raitière
Le ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, a confirmé mardi 6 juin 2017 qu’un « plan quinquennal pour le logement d’abord » serait lancé. Lors d’une table ronde avec une quinzaine d’acteurs associatifs, il a rappelé qu’il s’agissait d’une promesse faite par le candidat Emmanuel Macron devant la Fondation Abbé Pierre le 31 janvier dernier. Les associations saluent cette volonté « d’embrayer » dès le début du quinquennat sur une logique de « logement d’abord », même si de nombreuses questions restent encore en suspens : quel sera l’objectif en termes de nombre de logements, quel budget sera alloué à ce plan ? Des rencontres bilatérales doivent se poursuivre cet été et le plan devrait être finalisé début 2018.
Lors de son premier contact avec les représentants de quatorze acteurs associatifs de lutte contre l’exclusion (1), mardi 6 juin 2017, le ministre de la Cohésion des territoires Richard Ferrand a confirmé qu’un plan pluriannuel en faveur du « logement d’abord » serait mis en place par son gouvernement. Un engagement pris par Emmanuel Macron, alors candidat d’En Marche à l’occasion de la présentation du 22e rapport de la Fondation Abbé Pierre, le 31 janvier 2017 à Paris.
Au cours d’une table ronde sur l’hébergement et le logement organisée au ministère, rue de Varenne (VIIe), Richard Ferrand a indiqué que la stratégie du « logement d’abord » aura pour ambition de « diminuer de manière significative le nombre de personnes sans domicile d’ici 2022, en engageant cette transformation de la politique d’hébergement et d’accès au logement ». Le ministère précise qu’il s’agit de « passer d’une réponse construite dans l’urgence s’appuyant majoritairement sur des places d’hébergement avec des parcours souvent longs et coûteux, à un accès direct au logement avec un accompagnement social adapté aux besoins des personnes », en s’appuyant notamment sur des programmes qui ont « déjà fait leurs preuves en France », comme « Un chez soi d’abord ».
« L’accès au logement, ordinaire ou adapté, appuyé par le travail d’accompagnement des acteurs associatifs, permettra d’engager un parcours d’insertion amélioré auprès des personnes en situation de grande précarité », conclut le ministère.
Satisfecit PRUDENT des associations
Plusieurs participants à cette table ronde contactés par AEF se disent satisfaits des grandes orientations présentées par le ministre, tout en restant vigilants. Tous saluent la volonté de s’engager sur la durée, avec cette stratégie pluriannuelle qui pourrait donner plus de visibilité aux acteurs.
Pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, « c’est une bonne chose d’embrayer sur le logement d’abord dès le début de quinquennat ». Florent Gueguen, DG de la Fondation des acteurs de la solidarité, rend hommage pour sa part à une « bonne déclaration d’intention » du ministre nommé le 17 mai dernier.
Approche territorialisée
Autre élément positif pour les associations : Richard Ferrand a conscience de la complexité des acteurs engagés dans cette politique – de l’État aux départements en passant par les régions et les collectivités locales – et de la nécessité d’avoir une politique différenciée selon les territoires. « Il faudra en effet renforcer l’hébergement dans certains territoires, ou le remplacer par des logements en autonomie dans d’autres », abonde Florent Gueguen, qui tient à ce que sa fédération « participe au pilotage national du plan, mais aussi à ses déclinaisons territoriales, via les associations régionales ».
« Dans les zones tendues, il a été assez offensif sur la volonté de créer un choc de l’offre, y compris quand les collectivités locales ne sont pas volontaires » indique Christophe Robert. « Le ministre est aussi dans une logique de contractualisation avec les collectivités locales, ce qui peut être intéressant », ajoute-t-il.
Sur la méthode, les acteurs ont été séduits par la logique de « co-construction » avec les territoires et les acteurs locaux annoncée par Richard Ferrand, qui a une vision « stratégique » et « non cloisonnée » selon le représentant de la FAP. « Nous avons pu débattre de manière libre et pragmatique », juge Michel Pelenc, DG de Soliha quand Gilles Desrumaux, délégué général Unafo, apprécie la qualité « d’écoute » du ministre pendant l’heure qu’il est resté.
Besoin d’objectifs « mobilisateurs »
Mais « il faut donner des objectifs mobilisateurs pour sortir du face-à-face entre l’État et les collectivités locales où chacun se renvoie la balle », selon Gilles Desrumaux. Lors de la rencontre, le ministre a confirmé l’objectif annoncé par Emmanuel Macron de créer 40 000 places nouvelles en intermédiation locative et 10 000 places supplémentaires en pension de famille sur le quinquennat (lire sur AEF). Mais les participants à cette table ronde attendent maintenant des engagements chiffrés en matière de « logements réellement abordables pour les plus pauvres, dans le parc social comme dans le parc privé », indique notamment Florent Gueguen.
Autre question soulevée par les acteurs : l’engagement financier sera-t-il, lui aussi, quinquennal ? « Le changement de logiciel qu’impose le logement d’abord nécessite peut-être des moyens complémentaires pour accompagner les acteurs le temps de la réforme », avance aussi Christophe Robert. Il se demande également quelle sera la marge de manœuvre du gouvernement, alors qu’il a aussi promis de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.
Autre source d’inquiétude : « Il ne faut pas que le logement d’abord soit simplement une stratégie pour faire des économies sur le budget hébergement, dont on aura toujours besoin pour gérer les flux », souligne Christophe Robert.
« CONFÉRENCE NATIONALE DES TERRITOIRES » MI-JUILLET
Le ministre va maintenant mener des entretiens bilatéraux avec les différentes parties prenantes en juin et en juillet, pour préciser les concours du plan. Les différentes associations ont notamment exprimé le souhait que des éléments supplémentaires figurent explicitement dans ce plan, comme la lutte contre l’habitat indigne et la prévention des expulsions locatives pour la FAP, ou encore l’accueil des migrants et l’accueil inconditionnel des SDF pour la Fédération des acteurs de la solidarité.
Les associations espèrent en savoir plus lors d’une « conférence nationale des territoires », prévue mi-juillet, qui abordera notamment la question du logement, puis au cours d’une journée nationale sur le logement d’abord organisée à la rentrée. Les concertations devraient se poursuivre jusqu’en fin d’année pour une finalisation du plan au premier trimestre 2018 selon le ministère.
(1) La Fondation Abbé Pierre, la Fédération des Acteurs de la solidarité, Adoma, l’Armée du Salut, l’association Aurore, le Centre d’action sociale protestant, Coallia, Emmaüs, la Fapil, Habitat et Humanisme, le Secours catholique, Soliha, l’Unafo, l’Uniopss et le groupe SOS.